Vichy dans la solution finale : histoire du commissariat général aux questions juives (1941-1944)
Auteur Laurent Joly
Laurent Joly renouvelle profondément l'histoire de la politique anti-juive
de Vichy et de l'administration qui en fut l'instrument principal : le
commissariat général aux Questions juives (CGQJ), créé par l'amiral
Darlan en mars 1941, à la demande des autorités allemandes.
S'appuyant sur une connaissance impressionnante des archives
et sur la découverte de nombreux fonds inédits, l'auteur reconsidère les
grandes étapes de l'antisémitisme vichyssois, du statut d'octobre 1940 à
la tentative de dénaturalisation collective de 1943, en passant par la
déferlante législative de 1941 et les rafles de l'été 1942. Il offre ainsi au
lecteur un éclairage capital sur les processus de décision qui ont conduit
à la déportation de plus de 75 000 juifs de France vers les camps de la
mort.
Tout au long de l'ouvrage, Laurent Joly expose avec finesse la position
ambiguë du CGQJ : après avoir tenu un rôle prépondérant dans
l'élaboration d'une législation antijuive implacable visant en premier
lieu les «juifs français», cette administration d'exception se voit progressivement
marginalisée par le gouvernement de Vichy. Ce dernier
s'efforce d'orienter son action répressive vers les «juifs étrangers» et,
sous la houlette de Pierre Laval et de son secrétaire général à la police
René Bousquet, négocie directement leur déportation avec les dirigeants
nazis. Un sordide jeu à trois s'instaure dès lors entre les autorités
allemandes, le gouvernement français s'appuyant sur son administration
traditionnelle et le CGQJ, chacun étant mû par une logique antisémite
propre.
Analysant le profil sociologique, la mentalité et les méthodes de
travail des quelque 2 500 agents salariés par le commissariat général
aux Questions juives entre 1941 et 1944, Laurent Joly montre au final
tout le poids des enjeux bureaucratiques et des rivalités institutionnelles
sur le sort de milliers d'innocents.