La communauté juive alsacienne, de par son histoire et sa situation
géographique, a sans aucun doute perçu avec une acuité particulière
le péril nazi et l'imminence de la guerre. Pierre Auer Bacher est
originaire de Wissembourg au nord de l'Alsace, sur la frontière avec
l'Allemagne, précisément entre les deux lignes de défense militaire :
la ligne Siegfried pour l'Allemagne et la ligne Maginot en France. Dès
son plus jeune âge, il est sensibilisé à la montée de l'antisémitisme en
Allemagne par les récits des Juifs allemands venus clandestinement se
réfugier en Alsace.
À la déclaration de guerre, la population frontalière est évacuée vers
des villes de repli dans le Sud-Ouest de la France. Cette condition de
déplacés devait prendre fin une fois la victoire acquise. Les événements
en décident autrement avec l'occupation allemande et l'annexion de
l'Alsace au IIIe Reich.
Pierre Auer Bacher n'a que dix ans au début du conflit : il découvre
Paris sous la botte nazie, passe la ligne de démarcation vers la zone
«libre» avec sa mère et ses grands-parents, et rejoint son père
démobilisé à Limoges, ville de repli des Strasbourgeois.
L'occupation totale de la France aggrave la situation : les exactions
antijuives se multiplient, ses grands-parents sont arrêtés, ses parents
entrent dans la clandestinité et confient Pierre à l'érudite famille
Neher - cachée dans l'isolement corrézien de La Praderie -, pour qu'il
puisse continuer auprès d'eux ses études. À l'arrivée de la division
Das Reich, tous se dispersent et l'adolescent est plongé dans une vie
d'errance, rejoint le maquis et tente de retrouver ses parents. Arrivent
enfin la Libération et le difficile retour à la normale.
Au-delà de la personnalité riche et truculente de Pierre Auer Bacher,
ce récit témoigne des réalités de la vie quotidienne et de la persécution
des Juifs en France durant l'Occupation.