Ce livre, parut en 1925,
est bien plus qu'une
autobiographie. Mandelstam
y observe avec une acuité
sans indulgence ce passé
qu'il veut éloigner. Car sa
mémoire n'est pas amie,
mais ennemie du temps.
Les quatorze esquisses qui
composent cet ensemble
«impressionniste» de
souvenirs arrachés à la nuit
de l'oubli sont parmi les plus
belles pages en prose du
grand poète russe. Fragments
d'un monde englouti dans le
tourbillon révolutionnaire,
elles restituent, mieux que ne
le feraient les compilations
des érudits ou les analyses
des historiens, le ton subtil
d'une fin de règne qui prend,
avec le recul des événements
et les enseignements de
l'expérience, des allures
de Belle Époque. On
saisit mieux, à l'écoute
de ce «bruit» d'un temps
révolu, la secrète et
inimitable substance dont
était faite la Russie du
début du siècle dernier,
apparemment engourdie et
mystérieusement palpitante.