L'enseignement français en Méditerranée : les missionnaires et l'Alliance israélite : issu du colloque Judaïsme, école et mission en Méditerrranée, mars 2009, Université François Rabelais de Tours
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S'appuyant sur plusieurs réseaux d'écoles, celui des congrégations catholiques
puis des missions protestantes, mais également ceux de l'Alliance israélite
universelle et de la Mission laïque française, la France cherche à propager un
modèle, celui de la mission civilisatrice. Elle parvient ainsi à entretenir ses clientèles
dans le Maghreb colonial, au Levant comme dans les marges de l'Empire ottoman.
L'ouvrage interroge tout particulièrement la place des communautés juives dans
le dispositif scolaire français. Accueillis dans les établissements de l'Alliance israélite,
créée à la suite de l'affaire de meurtre rituel survenue à Damas en 1840, les juifs
figurent également en nombre dans les autres établissements français, chrétiens comme
laïques. L'antisémitisme développé en métropole et dans la société coloniale algérienne
est partagé par certains missionnaires. Est-il pour autant propagé dans les écoles des
missions catholiques ? Que masque le «Jewish work» revendiqué par les missionnaires
protestants dans l'Empire ottoman ou en Perse ?
Cet ouvrage vise à croiser les types d'archives, en premier lieu celles de l'Alliance
israélite qui offrent une source remarquable à l'historien de l'éducation, afin de mettre à
jour les distorsions entre les discours et les stratégies mises en oeuvre au sein du réseau
scolaire français. Le discours de la «régénération» morale des juifs orientaux par l'école
rejoint en fin de compte celui des missionnaires envers les chrétiens d'Orient. Comme la
Mission laïque française, l'Alliance israélite offre une éducation qui répond aux standards
français et se veut ouverte à tous, juifs et non-juifs, chrétiens et musulmans. Elle oppose
un autre modèle à l'enseignement juif traditionnel et éclaire les tensions à l'intérieur des
communautés juives. Confrontée successivement à l'ottomanisme, au nationalisme arabe
et au sionisme envers lequel elle est supposée hostile, l'Alliance israélite apparaîtrait donc
presque comme un sujet banal de cette histoire coloniale française en Méditerranée. Ses
écoles, comme celles des autres réseaux missionnaires ou laïcs, en révèlent néanmoins
toutes les arcanes, pour ce qu'elles nous apprennent des sociétés méditerranéennes, des
relations entre communautés et entre États colonisateurs et peuples colonisés.