Wagner contre les Juifs : aux origines de l'antisémitisme culturel moderne. Suivi de La juiverie dans la musique : et autres textes
Auteur Taguieff, Pierre-André (1946-....), Wagner, Richard (1813-1883)
Dans l'histoire de l'antisémitisme moderne, le rôle joué par Richard Wagner
(1813-1883) est aussi important qu'incomparable.
Par son essai polémique publié en 1850, Das Judenthum in der Musik
(«La juiverie dans la musique»), où il prend pour cible les Juifs dont il dénonce
l'influence selon lui polymorphe et corruptrice, il a largement contribué
à la formation de l'antisémitisme moderne en tant que «code culturel».
Ce pamphlet, réédité dans une version augmentée en 1869, fut suivi d'autres
textes où Wagner a précisé ou développé ses prises de position antijuives.
Wagner voit dans l'émancipation des Juifs la cause principale de l'«enjuivement»
(Verjüdung) des sociétés modernes où ils ont pris place, accélérant
ainsi la «décadence» des formes artistiques. Sa thèse centrale est que les
Juifs ont transformé l'art en marchandise. En dénonçant le monde moderne
comme «enjuivé», c'est-à-dire «dégénéré», Wagner rejoint sur un point essentiel
les polémistes antimodernes. Dans le triomphe du modernisme, porté
autant par la «puissance de l'argent» que par la «puissance de la plume»
(celle du journaliste) et les séductions trompeuses de «la mode», il voit une
«victoire du monde juif moderne». L'antisémitisme wagnérien représente
ainsi le prototype de l'antisémitisme «révolutionnaire conservateur».
Wagner a esquissé un programme de régénération du monde moderne qui
tient en une formule : «désenjuiver» la culture européenne. En comprenant
ce «désenjuivement» comme une libération des peuples européens, les wagnériens
pangermanistes ont ouvert la voie à l'antisémitisme «rédempteur»
qui sera au coeur de la doctrine hitlérienne.
Dans cet ouvrage, Pierre-André Taguieff a choisi de privilégier le retour
aux textes de Wagner sur et contre les Juifs et «la juiverie», trop négligés,
mal lus et sous-estimés comme tous les écrits dits «théoriques» du Maître.
Il montre que l'antisémitisme des écrits polémico-théoriques de Wagner est
une réalité, alors que celui de ses oeuvres poético-musicales n'est qu'une
hypothèse, non sans suggérer que cette dernière est rendue vraisemblable par
ses écrits antisémites et ses opinions antijuives maintes fois exprimées.